À propos

BRIGITTE NÊMES

25 ANNÉES DE VOYAGE INTIME À TRAVERS LA PEINTURE

Voilà bientôt cinquante ans que j’accompagne Brigitte.

Sa petite enfance n’a été que vie d’hôpital. On l’a d’abord soignée à huit mois pour une tuberculose aiguë, gardée pour “retard psychomoteur”, conservée pour “autisme de Kanner”. Jeune infirmier psychiatrique, je la rencontre, âgée de sept ans, dans un “Centre d’arriérés profonds” où elle a abouti trois ans plus tôt. Elle présente alors les signes les plus caricaturaux de l’autisme infantile précoce : automutilations, mutisme, évitement du regard, absence de toute initiative…

Par un volontarisme des plus obstinés, elle m’oblige à m’occuper d’elle. Avec le soutien d’un médecin psychiatre prêt à tenter l’aventure, je la sors de l’hôpital pour l’emmener chez moi, devenant sa “famille d’accueil”. Elle commence à parler à huit ans, est scolarisée de dix à quinze, traverse à l’adolescence une éprouvante période d’automutilations féroces. À sa majorité, je deviens son tuteur. Je le suis toujours.

Au début des années 90, Brigitte qui approche la trentaine commence à peindre, et ce qu’elle produit étonne son entourage. En 1996 a lieu une première exposition à Romans. On en compte en France plus de quatre-vingts à la date d’aujourd’hui, sa peinture suscitant un intérêt soutenu.

Brigitte n’est pas intellectuellement brillante, comme certains autistes “haut de gamme”, mais on pourrait penser qu’elle est exceptionnelle dans sa sensibilité. Et que c’est cette hyper-sensibilité qui, à travers une technique élémentaire, lui suscite des peintures dont beaucoup impressionnent par leur densité émotionnelle.

Loin d’être stéréotypée, sa peinture a beaucoup évolué formellement au fil des ans. On peut donc penser que son œuvre relève d’une quête intérieure, quête d’autant plus impérieuse qu’elle s’origine d’une immense souffrance d’abandon. Brigitte se construit dans et par la peinture, y trouvant manifestement l’appui nécessaire à son devenir comme sujet humain parmi d’autres.

Son parcours de vie, son parcours artistique, sont matière à penser pour ceux qui se questionnent tant sur l’autisme que sur l’art. À propos de Vincent Van Gogh, Antonin Artaud disait : “Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer.” Brigitte en témoigne.

Bernard Vandewiele,

avril 2019